L'exception Champenoise

Parmi le millier d’échantillons dégustés pour le seul mois d’août, une centaine de cuvées provenaient de Champagne nous ont permis d’établir un point intermédiaire sur les vins issus de ces vignobles, quelques mois seulement après le test de Que Choisir (N° 432 – Décembre 2005). Régulièrement, nous nous livrons à ce genre d’exercice pour ce magazine et constatons des progrès chez la plupart des récoltants-manipulants, notamment ceux situés sur les terroirs classé à 100 % avec la dénomination Grand cru que ce soit en Côte des Blancs ou sur la Montagne de Reims.

Nos fiches « Brut Sans Année », « Millésimé Grande Cuvée », « Cuvée Spéciale Prestige », « Champagne Rosé », se trouvent améliorées avec de nouvelles entrées et peu de sorties, ce qui ne pourra être le cas, pour de nombreuses autres AOC dans note futur « Palmarès 2007 ». En ce sens il s’agit même de l’exception qui confirme la règle car le vignoble français continue à s’enfoncer dans une crise liée à la surproduction mais également à une absence d’ambition qualitative. Certes Bordeaux a su communiquer sur le millésime 2005 avec comme conséquence des prix déments, mais il n’aura échappé à aucun amateur averti que pareil exploit s’était déjà produit pour le millésime 2003, dont d’ailleurs les premières dégustations en bouteilles nous laissent perplexes… (1)

Dans un intéressant article « Le vin au restaurant », Robert Klein (2) nous éclaire sur les véritables décideurs de la médiocrité des vins sur table : « rappelons-le, le marché est avant tout aux prises de deux groupes, France Boisson et Elidis, respectivement détenus par les groupes brassicoles Heinecken et Kronenbourg ». Tout un programme, le vin à la remorque de la bière.
 La Champagne n’échappe pas à cette règle, il suffit pour s’en convaincre de consulter la majorité des cartes de restaurant pour constater que peu de récoltants-manipulants se frayent une place au milieu des Brut Sans Année de marques.

Brut Sans Année

Le cœur du vignoble champenois offre pourtant un large champ d’expression à de nombreux vignerons ayant patiemment acquis de bonnes pratiques viticoles en tant que fournisseur du négoce et disposant aujourd’hui de la compétence d’excellents œnologues.

Erick De Sousa à Avize avec sa cuvée « Réserve » reste l’un des leaders de cette génération.
 Sur cette cuvée et ses cuvées « Prestige » (23,50 € départ cave), il recueille les fruits de ses vieilles vignes et de son travail en biodynamie. Nous conseillons donc de privilégier ces cuvées chez ce vigneron. Nous n’avions pu présenter sa cuvée dans le test de Que Choisir car ses disponibilités sont trop faibles et d’un commun accord avec la rédaction nous avons convenu d’un minimum de 20 000 bouteilles disponibles au domaine pour pouvoir figurer dans ce test. Pour résumer l’impact de ce magazine (500 000 lecteurs), 40 000 bouteilles ont été commercialisés en décembre 2005 et autant au premier semestre 2006 par le jeune Olivier Bonville (1 er avec la Cuvée Réserve et 3 ème avec la cuvée Sélection), deux Brut Sans Année élevés longuement sur lattes et tous deux originaires du cœur du vignoble d’Avize. Incontestablement, il s’agit là de deux plus beaux rapports qualité/prix en Côte des Blancs (16,90 € et 14,20 € départ cave).
 Sur La Montagne de Reims à Bouzy, B. Vesselle en Brut Grand cru (Assemblage 90 % pinot noir et 10 % chardonnay) à 14/20 (17,20 € TTC) et Marie-Noëlle Ledru Brut Grand cru à Ambonnay rivalisent en qualité avec leurs collègues de la Côte des Blancs. Sur ces vignobles de Bouzy et d’Ambonnay, les vins, souvent à dominante pinot noir, s’expriment dans un registre particulier. La base de l’assemblage de Marie-Noëlle Ledru, 2002 avec des vins de réserve, nous a particulièrement séduit 14/20 (15,70 € TTC départ).
 Citons également un vigneron très petit en volume Jean Valentin & Fils sur son Brut Sélection 1er cru (13,5/20), «Tradition» 1er cru Brut (13/20), Saint-Avertin «Blanc de Blancs» Brut (14/20), trois cuvées que nous classons dans la catégorie Brut Sans Année. Le domaine privilégie des petits clients et les prix sont attractifs.

Millésimé

L’Amateur ne se laissera pas abuser par la hiérarchie des prix pratiqués par de nombreuses maisons et vignerons sur les cuvées d’une seule récolte, rares sont en effet les « millésimés » à dominer les Brut Sans Année de ces mêmes maisons, inutile donc d’investir des Euros supplémentaires pour des vins pas forcément supérieurs. Il est impératif de goûter avant d’acheter. Aussi, soyez vigilants sur les vignerons qui millésiment systématiquement l’année de production, rares sont les millésimes capables d’assurer un équilibre parfait à la cuvée (attention aux millésimés 2001, une année faible). Les grands amateurs recherchent actuellement les derniers 1996 encore disponibles et le superbe1999 vient à point pour prendre le relais.
 Le Clos des Goisses 1996 de Philipponnat (71,00 € TTC) représente parfaitement les grandes cuvées du négoce qui s‘appuient sur leurs propres approvisionnements (16/20). Fondée au début du siècle par une vieille famille champenoise, la maison Philipponnat fait partie aujourd’hui du groupe Boizel-Chanoine. Son Clos des Goisses «, vignoble de 5,5 ha sur une superficie totale de 16 ha en coteau abrupt exposé plein sud a donné, sur cette année remarquable, un vin splendide, à l’instar de Dom Pérignon de Moët et Chandon (16/20).

L’Amour de Deutz 1999 – Cette cuvée provient des terroirs du Mesnil-sur-Oger (60 %), d’Avize (35 %) et Villiers-Marmery (5 %) est superbe, ici la notion de marque prend le pas sur la référence au terroir Grand cru et pas simplement parce que les 5 % des raisins provenant de Villiers-Marmery ne sont pas classés.
 Marie-Noëlle Ledru 1999 (26,30 €) est impressionnant de fermeté sans manquer d’élégance.
 De Sousa Cuvée des Caudalies 2000 est remarquable. .
 Charpentier 1999, Agrapart « Minéral » 1999, Duval-Leroy « Femme » 1995 sont aussi de très grandes bouteilles.

 Grande cuvée non millésimé

 Marie-Noëlle Ledru «Cuvée du Goulté» Brut Grand Cru Blanc de Noirs est parfaite.

Rosé

Les grands rosés sont rares, sept dans notre Palmarès 2006, il sont souvent l’apanage des grandes maisons. Un seul producteur bouscule cette hiérarchie, Erick De Sousa avec sa Cuvée des Caudalies, malheureusement déjà épuisée au domaine. Nous l’avons goûté, une fois encore, récemment chez Philippe Zieger aux « Armes de Champagne », excellente table où elle est particulièrement mise en valeur.
 Pierre Paillard, nous a présenté également une belle cuvée « Bouzy Grand Cru » (17,00 € TTC départ cave).

Rédaction : Marc MIANNAY
 Dégustation : Eric VERDIER

(1) Une dégustation de grands Bordeaux 2003 aura lieu le 30 septembre.
(2) L’Amateur de Bordeaux N° 99 – Avril-Mai 2006.